Appel à communications Changer de travail ou changer le travail ? Santé, inégalités, environnement Colloque du GIS GESTES, 1er et 2 juin 2023, MSH Paris-Nord Toutes les informations sur le colloque sont à retrouver sur le site du Gis GESTES : https://gestes.cnrs.fr/colloque-gestes-2023/
Avec son quatrième grand colloque, dix ans après le premier à Montrouge en 2013, le Gestes organise un nouveau moment de réflexion pluridisciplinaire autour des grands enjeux du travail aujourd’hui. Le travail et la santé au travail constituent des enjeux sociaux de première importance. À partir de 2020, ces enjeux ont été placés sous le miroir grossissant de la crise sanitaire, elle-même enchâssée dans une série d’autres crises, du travail, de l’emploi mais aussi écologique et sociale, en cours depuis plusieurs décennies. Travailleurs, travailleuses mais aussi demandeurs et demandeuses d’emploi font face à un accroissement des inégalités ainsi qu’à une transformation souvent brutale de leurs conditions de travail, au risque de leur santé physique et mentale. À la fin des années 2010, les suicides de salarié·e·s de France Télécom ou encore du Technocentre de Renault Guyancourt avaient fait des facteurs psychosociaux de risques des enjeux particulièrement saillants, tant dans le monde du travail que dans celui de la recherche. Il paraissait alors important de mettre en avant la notion de souffrance au travail. Durant la décennie suivante, de nouvelles interrogations ont émergé autour de notions telles que la pénibilité ou la qualité de vie au travail, ce qui a conduit à remplacer le concept de « souffrance » dans l’acronyme du Gestes, par celui de « santé », plus transversal. La crise pandémique entamée en 2020 a plus que jamais rendu manifestes les liens entre santé, inégalités et environnement, du fait de l’intensification et de la massification d’enjeux jusqu’alors perçus comme mineurs. Cet appel à communication s’adresse ainsi aux chercheur·s·es de toutes les disciplines des SHS mais aussi en médecine ou épidémiologie, dont les travaux interrogent un travail en crise(s). Observe-t-on, à l’instar du très médiatisé phénomène du big quit états-unien, le développement de pratiques individuelles de retrait du marché du travail ou de changement d’emploi quand celui-ci apparaît absurde ou difficilement soutenable ? Au contraire, que deviennent les collectifs de travail et l’action collective face à cette nouvelle crise ? Nous proposons de décliner ces interrogations en trois grands axes, avec en toile de fond l’enjeu de savoir : comment changer le travail ? Avec qui ? De manière (plus) collective ? Axe 1 / Effets des crises sur le travailQue devient le travail pris dans la série de crises qui l’affectent depuis plusieurs décennies – de l’emploi, sanitaire, environnementale, démocratique ? C’est à cette interrogation générique que le premier axe de notre appel à communication est consacré. Effets sur la santé et le sens du travail Pour un certain nombre de professionnel·le·s, à l’instar des soignant·e·s à l’hôpital, la crise sanitaire a été une période propice pour mieux percevoir le sens et l’utilité de leur métier. Selon l’enquête TRACOV (Dares, Ministère du travail), le sens du travail a progressé au plus fort des contraintes sanitaires. En janvier 2021, près de 20% des actif·ve·s ont déclaré ressentir un plus grand sentiment d’utilité ou de fierté à l’égard de leur travail[1]. Et pourtant, à mesure du desserrement des contraintes sanitaires, ces mêmes professionnel·le·s dénoncent des conditions de travail, des rationalisations gestionnaires les empêchant d’accomplir un travail de qualité, au prix de souffrances et démissions. Cette première déclinaison de l’axe 1 invite à s’interroger sur la manière dont les crises affectent la santé des travailleurs et travailleuses, mais aussi des usagers et usagères de service public, client.es ou bénéficiaires de structures privées, incluant les dynamiques de santé positives et négatives et le sens qu’ils trouvent dans l’exercice de leur activité. Effets sur le rapport à l'environnementCette seconde déclinaison de notre premier axe souhaite accueillir les travaux de recherche qui s’interrogent sur les interactions entre les activités de travail et leurs environnements. Le télétravail, avec la diminution des déplacements mais l’augmentation des usages du numérique et des télécommunications qui lui sont associés constitue un exemple emblématique de la manière dont l’organisation du travail pourrait transformer nos rapports à la ville et constituer une réponse à la crise écologique. Les interventions pourront ainsi concerner les évolutions dans les modes de présence au monde, les réorganisations collectives et personnelles du travail à l’échelle du quotidien ou sur des empans temporels plus larges. Elles pourront également concerner la manière dont les enjeux écologiques sont pris en compte dans les organisations du travail, qu’il s’agisse d’approches pouvant être qualifiées de greenwashing ou de remises en cause plus profondes de la production prenant en considération les effets des transformations massives de l’anthropocène. Effets sur les inégalités et l'attractivité ou la reconnaissance des métiersCette dernière déclinaison de l’axe consacré aux effets des crises sur le travail invite à saisir ce dernier comme un lieu de (re)production des rapports sociaux, contribuant, transformant ou atténuant les processus de production des inégalités entre groupes sociaux et professionnels. Observe-t-on de nouvelles dynamiques de revalorisation ou de dévalorisation matérielle ou symbolique de métiers, comme la notion de métier de « première ligne » a pu le laisser augurer un temps ? Les processus de ségrégation sexuelle, raciale ou de classe se trouvent-t-ils transformés, à la croisée de la transformation des normes d’emploi et de l’évolution des conditions de travail ? Axe 2 / Sens du travail, bifurcations : changer de travailSelon la Caisse des dépôts, au moins 100 000 demandes de bilans de compétences pourraient être validées d’ici à la fin de l’année 2022. Un désir de changement qui s’inscrit dans la durée puisqu’en 2015, une enquête du CEREQ montrait qu’un tiers des salarié·e·s souhaitait changer de métier[2]. Les motivations sont diverses et souvent intriquées, qu’il s’agisse du souhait de préserver sa santé, d’améliorer ses conditions de vie ou de trouver plus de sens dans son activité professionnelle. Bifurcations liées à la santé et aux conditions de travailQuelle place la santé prend-elle et de quelles manières contribue-t-elle ou non à la construction des parcours, voire des bifurcations professionnelles ? On peut ici penser aux enjeux des maladies professionnelles et accidents du travail mais également à la manière dont les organisations du travail prennent en charge les atteintes à la santé, et s’adaptent aux RQTH ou encore aux maladies chroniques. Une part des entreprises peut par exemple recourir au licenciement pour inaptitude afin de se séparer d’une main-d’œuvre déjà trop usée par le travail dans ses entrepôts. Quelles sont les voies de reconstruction possibles de leur parcours pour ces salarié·e·s, ou pour celles et ceux qui sont déclarés inaptes à leurs postes de travail ? Au-delà de ces exemples, les communications pourront ici aborder la manière dont les travailleurs et travailleuses se rapportent à leur santé dans toutes ses acceptions mais aussi à la prise en charge organisationnelle et publique des questions de santé, dans la perspective des parcours professionnels. Bifurcations liées au rapport à l'environnementQuelles réalités y a-t-il derrière le discours de huit diplômé·e·s d’Agro ParisTech de 2022, rejetant une destinée professionnelle les vouant selon eux à contribuer à l’aggravation de la crise écologique ? Quatre ans après la médiatisation du discours de Clément Choisne et le manifeste pour réveil écologique, quels jeunes ou moins jeunes, issus de parcours élitistes ou non se détournent-t-ils des secteurs les plus rémunérateurs, reposant bien souvent sur l’exploitation des rapports sociaux et de la nature ? Dans une autre perspective, les communications pourront aussi aborder les choix et bifurcations qui résulteraient, tout ou partie, de choix liés à l’environnement dans lequel on vit et travaille. Observe-t-on des départs des grandes villes au profit de villes de taille moyenne ou de zones rurales ? Certains choix professionnels sont-ils guidés par la volonté d’échapper à des risques environnementaux ou encore de les réguler ? Bifurcations et inégalités : des possibilités inégales de bifurcation ?Cette dernière déclinaison de la thématique interroge les inégales possibilités de bifurcations professionnelles et la (re)production sociale auxquels contribuent les parcours professionnels. Sur quelles ressources (familiales, scolaires, économiques, etc.) les travailleurs et travailleuses peuvent-ils compter pour construire leurs parcours ? Au contraire, quels sont les déterminants faisant obstacle à la construction ou la réalisation de projets professionnels ? Les communications pourront également traiter de la manière dont les parcours et transitions professionnelles sont socialisées, tant du point des politiques publiques de l’emploi que du développement d’offres privées ou associatives de placement et d’accompagnement professionnel. À cet égard, dans le contexte de réformes de l’assurance chômage, les chômeur·se ·s (et plus largement les personnes en situation de sous-emploi) et les jeunes constituent deux populations pour qui ces enjeux sont particulièrement forts.
Axe 3 / Changer le travail, la santé et le rapport à l'environnement Les deux premiers axes de notre appel à communication sont en partie consacrés à se demander en quoi le travail contribue à l’accroissement des inégalités, aux atteintes à la santé et à la crise écologique. Or, une réponse collective à cette nouvelle crise du travail que nous expérimentons à l’occasion de la crise sanitaire pourrait être de repolitiser le travail. Notre dernier axe est consacré aux moyens collectifs dont nous usons ou disposons pour changer le travail et la société qu’il façonne. Mobilisations collectivesAlors que le syndicalisme cherchait à se réinventer, comment les acteurs et actrices de celui-ci font-ils et elles face à cette nouvelle crise ? Tandis que le télétravail accroit la dissémination des collectifs, comment ces éléments revisitent-ils la conflictualité au travail ? Et comment les collectifs au travail sont-ils mis à l’épreuve, surtout dans le contexte de remplacement des CHSCT par les CSE, qui a déstabilisé les modes d’appréhension du travail par les instances syndicales au sein de l’entreprise ? La place de la négociation collective d’entreprise a également été largement modifiée dans la production des normes ces dernières années (les ordonnances de 2017 étant la dernière réforme en date), avec l’idée qu’elle soit au plus près des lieux de travail des collectifs, en promouvant l’accord collectif d’entreprise et en diversifiant les modalités des négociations. Ces transformations s’inscrivent-elles dans le double mouvement, amorcé depuis les années 1980, de recul de la généralité des règles de l’emploi en faveur de celles de l’entreprise, fragilisant les protections des salarié·e·s au profit des employeurs ou vont-elles ou contraire dans le sens d’une démocratisation du travail, d’un renouveau du dialogue social ? Deux grands enjeux sont liés à la question du travail syndical : le premier est celui de la manière dont peut maintenant être portée la critique sociale : par exemple, les revendications salariales sont-elles devenues encore moins audibles dans le contexte de la crise sanitaire et de crise économique qui s’ensuit ? Le second enjeu est celui de la manière dont le collectif peut continuer à s’élaborer dans des organisations qui se transforment extrêmement rapidement, qui se sont émiettées avec des personnes qui sont encore moins présentes, encore moins ensemble ? Ne va-t-on pas alors vers une hyper individualisation du travail chez certains profils ? DémocratieEnfin, la dimension de la démocratie au travail apparait aussi à analyser comme potentialité pour faire face aux enjeux de l’anthropocène et capacité à intervenir pour réélaborer l’organisation du travail dans la crise : capacité avérée ou à renforcer pour pallier les crises micro ou macro que les travailleurs et travailleuses ont toujours à affronter dans les situations de travail qu’ils et elles vivent. Les communications pourront ici s’intéresser à toutes les formes de partage du pouvoir au sein des organisations du travail, qu’il s’agisse d’expériences coopératives, d’autogestion, ou de méthodes managériales prônant la participation. Outre les formes organisationnelles, quelles sont les ressources nécessaires aux travailleurs et travailleuses pour élaborer et mettre en œuvre des choix collectifs ?
PROPOSITION D’ATELIERLe réseau scientifique du GIS Gestes souhaite également faire porter l’attention sur son fonds d’archives en ligne (https://gestes.nakalona.fr). Donnant à voir une décennie du travail de recherche interdisciplinaire de notre réseau sur les questions de travail et de santé au travail, il peut permettre de communiquer sur un thème transversal ou sur une question de recherche, de venir en appui à leur traitement. Il pourra s’agir par exemple d’aborder ces archives en s’attachant à l’avant/après pandémie, à ce qu’elle a pu transformer ou non, sur la manière d’envisager et de présenter l’interdisciplinarité, etc.
ÉLÉMENTS COMPLÉMENTAIRESLes communications portées conjointement par chercheur·s·es et des praticien·ne·s ont déjà constitué une modalité centrale d’intervention lors de notre colloque de 2015 « Agir sur la santé au travail : acteurs, pratiques et dispositifs autour des enjeux psychosociaux », elles seront de nouveau très bien accueillies. Certaines communications pourront faire l’objet d’une proposition de publication dans un numéro spécial dans la revue PISTES. Le cas échéant, les premières versions en format article et aux normes de la revue, seront attendues pour le 30 septembre 2023.
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